Les JO 2024 vus par Bénédicte Dutoya
Le 2 novembre, le club d’Avenir Basket Chalosse mettait à l’honneur Bénédicte Dutoya lors de la rencontre de N2F opposant ABC aux espoirs de Tarbes.
L’officielle de table de marque, licenciée à ABC, a eu le privilège de participer aux Jeux Olympiques de Paris 2024 et même d’officier lors de la finale masculine : France – USA. L’occasion était belle d’interviewer l’Amolloise.
ABC : Bénédicte, Quand as-tu eu connaissance de ta sélection comme Officielle de Table de Marque pour les JO de Paris 2024 ?
Bénédicte Dutoya : J’ai appris les résultats de la sélection en octobre 2023 et cela devait rester confidentiel tant que la fédération internationale de basket et le comité olympique n’avait pas officialisé les résultats. Du coup, il fallait patienter tranquillement.
ABC : Cette attente a-t-elle été longue et est-ce que tu as ressentie une certaine pression ?
Bénédicte : Non, c’est passé extrêmement vite, et c’est resté plutôt abstrait durant les mois qui ont précédé. En fait, comme la saison était en cours, il fallait continuer à officier sur les différents championnats et se préparer. Je n’ai pas forcément senti la pression immédiatement. Ce sont plus les gens autour de moi qui m’en parlaient régulièrement. Quand je suis allée récupérer mon accréditation et ma dotation à Bordeaux courant Juillet, à ce moment, c’est devenu de plus en plus concret, jusqu’au moment où le groupe OTM et statisticiens s’est retrouvé à Lille le 24 Juillet.
ABC : Comment s’est passé ton séjour, par exemple au niveau de l’hébergement ?
Bénédicte : Les Jeux Olympiques, c’est quand même une très grosse organisation, une vraie fourmilière. On a été accueilli à la sortie du train à Lille où on est venu nous chercher pour nous amener à l’hôtel, dans le centre de Lille. Il y avait un hôtel pour les statisticiens et les officiels de table de marque et un autre hôtel pour les arbitres. Une navette nous amenait tous les jours à au stade Pierre Mauroy.
Sur Paris, on ne dormait pas au village olympique avec les athlètes, car nous ne devions jamais côtoyer les athlètes en dehors du terrain de jeu : l’hôtel était proche de l’Accor Hôtel Arena (Bercy) et on y allait à pied.
ABC : As-tu eu le temps d’aller sur d’autres sites pour voir d’autres épreuves ?
Bénédicte : A Lille, non, parce qu’il n’y avait aucune autre compétition. Sur Paris, c’était un petit peu compliqué de prévoir à l’avance. On connaissait nos désignations dans la soirée la veille et nous n’avions pas forcément la capacité d’anticiper le fait d’aller sur d’autres sites pour voir des épreuves. Puis, si nous ne possédions pas de billets d’entrée, on ne pouvait pas assister aux compétitions. Certains de mes collègues avaient des tickets pour l’athlétisme au Stade de France, qu’ils avaient achetés avant de connaître leur sélection et ils ont pu aller voir certaines compétitions parce qu’ils n’officiaient pas à ces moments-là.
De mon côté, j’ai quand même vu les sites, la tour Eiffel, le Trocadéro, la flamme olympique et une majorité de lieux à visiter. A Lille, il y avait des animations en lien avec les Jeux olympiques dans toute la ville et c’était très sympathique. Globalement, on n’a pas eu le la chance de voir d’autres compétitions.
ABC : Justement, à combien de rencontres as-tu participé en tant qu’OTM ?
Bénédicte : J’ai officié sur une rencontre par jour à l’exception du 5 août, car il s’agissait du transit entre Lille et Paris. Au final, cela donne quatorze matchs du 27 juillet au 10 août.
ABC : Par rapport à la finale programmée le samedi 10 aout, quand as-tu appris ta sélection sachant que vous étiez vingt officiels à être présents sur la totalité des jeux ?
Bénédicte : Tous les officiels de table de marque étaient français et c’est dans la nuit du vendredi au samedi qu’on l’a su, exactement à 00h30. Durant tout le tournoi, sur chaque match, nous étions observés. A Lille, sur les matchs de poule, nous connaissions nos désignations pour les quatre jours à venir. Mais à Paris, à partir des quarts de finale, nous n’étions informés que la veille, en fin de soirée, après le dernier match de 21h.
ABC : Qu’elle a été ta réaction ?
Bénédicte : Forcément, ça a été une immense joie. Une grande surprise aussi, car tous les collègues OTM avaient réalisé de belles prestations durant le tournoi. Être choisie pour officier sur une telle rencontre c’est un grand honneur. Donc passées la surprise et la joie, on prend conscience qu’il y a un gros match le lendemain, avec un enjeu énorme, on part alors vite se coucher.
ABC : Comment s’est passée la finale est-ce qu’il y avait une certaine pression sur cette rencontre ou d’ailleurs l’équipe de France figurait avec le côté patriotique qui rentre en ligne de compte ?
Bénédicte : J’étais aide marqueur, donc assise du côté du banc des Etats Unis. Pendant deux semaines, nous vivions des matchs à très haute intensité, surtout du point de vue du contexte. Pour gérer cela, on a tous nos petits rituels, nos routines qui se mettent en place : j’ai abordé l’ensemble des matchs avec le même niveau d’exigence car ils étaient tous importants, tant pour les athlètes que pour nous.
Sur la finale, il y a toutefois une pression supplémentaire parce qu’on a conscience que c’est une finale olympique, même si on essaye très vite d’évacuer cet aspect afin de ne pas se laisser envahir par l’émotion, et ce tout le long du match. Evidemment, j’avais envie de supporter la France et devoir inscrire les 4 triples assassins de Curry au tableau d’affichage était un peu râlant (rires). Mais, même si on est français et qu’on a envie que les français gagnent, on nous a honoré d’une magnifique désignation et on doit tenir notre rôle de la meilleure manière possible.
ABC : Quel bilan tires-tu de cette participation et quel serait ton meilleur souvenir ?
Bénédicte : Je l’ai dit à tous ceux qui me posent la question. On a vu des joueurs et joueuses exceptionnels et même dans les staffs, ou même le public, il y avait aussi des stars. Mais, ce qui est le plus marquant pour moi, c’est l’aspect humain de tout ça, parce qu’on rencontre des gens du monde entier, des passionnés de basket et on lie des amitiés et des liens assez forts dans ce contexte-là. On reste en contact aussi avec des officiels internationaux. Pour moi, c’est ça le plus marquant.
Evidemment, j’ai plein d’images en tête, mais celle qui m’a touchée le plus en tant que fan de basket, c’est d’aller demander le 5 majeur à Steve Kerr, le sélectionneur des USA ancien très grand joueur NBA, lui faire signer la feuille de marque. Pour moi, c’est l’épisode le plus significatif. On me parle beaucoup de LeBron James avec son « chalk toss » mais aller tendre la plaquette de la feuille de match à Steve Kerr et échanger quelques mots avec lui, c’est peut-être mon souvenir personnel le plus marquant de la compétition.
Sur le moment, on se rend tout de même compte du caractère unique de ce à quoi on a participé. Il s’agit quand même de rencontres avec des personnalités et si on me parle beaucoup des garçons, il y avait aussi le basket féminin qui présentait de grosses pointures sur le parquet. Il y a les joueurs mais aussi les staffs ou figurent tout de même des anciens illustres internationaux. Quand on suit et quand on est passionné de basket, c’est impressionnant sur le terrain et au bord du terrain. Il n’y a pas que les formations US, c’est dans toutes les équipes, tous les jours. Fatalement, on se rend compte de la grandeur de l’événement quand on a toutes ces personnalités en face, La même remarque prévaut pour les arbitres internationaux qui sont reconnus, hyper expérimentés à ce niveau-là. Quand on fait un briefing avec l’arbitre américaine, Amy Bonner, (une des trois premières femmes au monde à avoir officié en coupe du Monde FIBA masculine en 2023), c’est impressionnant et on essaye de profiter à fond des moindres détails, de rencontrer la personne derrière le nom…
ABC : Si on revenait sur le commencement avec tes toutes premières feuilles de match, aurais-tu imaginé accomplir un tel parcours, toutes ces années plus tard ?
Bénédicte : Ma première feuille de match, je devais avoir 15-16 ans et ce devait être pour les matchs des copains et copines dans la salle de la Técouere à Amou qui jouaient avant ou après moi. Puis très vite, l’engouement a pris puisque j’ai débuté officiellement en championnat de France à l’âge de 17 ans.
Envisager un tel parcours jusqu’au Jeux Olympiques, ça ne me serait pas venue à l’idée et je crois que ça ne vient à l’idée de personne, on n’y pense pas quand on commence, ni même plus tard.
ABC : Quand tu as su que les JO se dérouleraient en France, avais-tu comme objectif d’y participer ?
Bénédicte : Non, pas immédiatement jusqu’à ce que ça me fasse « tilt » Je suis du genre à prendre les choses un peu comme elles viennent. Si une occasion se présente, je vais faire au mieux pour essayer de la saisir. Quand j’ai vu Paris 2024, j’ai d’abord pensé que ça serait avec des officiels d’autres pays, et on ne connaissait pas du tout l’organisation, donc je n’ai rien envisagé, car de manière générale, je ne fais pas de plan sur la comète.
Par contre, quand on a reçu le mail de la FFBB en 2022, pour nous demander si on voulait postuler pour les JO, je me suis dit pourquoi pas, tout en sachant qu’on partait pour deux ans de sélections, de stages, d’observations, de tests en anglais.
ABC : Maintenant que tu as participé au Saint Graal de la compétition, que peut-on te souhaiter ?
Bénédicte : tout simplement de continuer à officier comme actuellement. Certains m’ont dit en début de saison, « on pensait que tu allais arrêter », mais non. J’ai fait mes deux premiers matchs de la saison au Stade Montois Masculin (N3M) et à ASCH (N2M) et j’étais hyper contente de retrouver le basket d’ici, avec la convivialité qui va avec. C’est aussi ce qui fait la beauté et l’attrait pour notre sport, particulièrement dans les Landes. Sportivement, le niveau n’est pas olympique, mais il demeure quand même globalement élevé dans chaque championnat et également sur le haut niveau (avec Basket Landes). Il y a beaucoup à faire en tant qu’OTM.
Les JO, c’est une expérience extraordinaire, mais ce qui nourrit sur la durée, ce sont les rencontres qu’on vit tous les weekends. Paris 2024 était une belle parenthèse enchantée, marquante à vie, mais il ne faut pas oublier d’où on vient et apprécier la qualité de ce que l’on vit dans nos salles.
ABC : Merci beaucoup Bénédicte pour cette interview très intéressant. On te souhaite le meilleur pour la suite.